Aujourd’hui, je souhaite inaugurer une nouvelle série de billets : les paroles d’entrepreneurs.
Le concept est très simple : un entrepreneur prend la parole sur le blog pour parler d’un sujet qui l’intéresse et nous donne son point de vue sans concession (intéressé ? Envoyez-moi un mail à : remybigot-at-gmail.com).
Pour cette première, j’accueille Patricia Imbert, rédactrice professionnelle indépendante (LaPatWeb).
Elle nous parle de Groupon et nous donne son avis sur la réussite à tout prix.
Groupon : une success-story en demi-teinte
Jeune entrepreneur, je me suis lancée dans mon activité en 2008 : aujourd’hui, je suis à la tête d’une petite entreprise modeste mais en constante progression. Naturellement, il m’arrive encore de rêver à la belle success-story où tout paraît… facile. A l’image de Groupon.
Face visible
Apparue il y a 5 ans (en même temps que moi !), cette plateforme d’e-commerce brasse aujourd’hui des millions et son rayonnement est mondial. Le magazine Forbes souligne même que sa croissance est la plus grande enregistrée de toute l’histoire !
Surfant sur la vague « low-cost », Groupon disposait de tous les atouts pour réussir : des loisirs de proximité à faible prix, un système d’achats groupés, offrant des tarifs attractifs fixes, non influencés par le nombre d’acheteurs.
A l’origine de cette success-story, un homme, Andrew Mason et une idée novatrice : réunir les gens autour d’un même problème, en l’occurrence, résilier son abonnement téléphonique.
Baptisée « The Point », l’idée de départ a évolué pour devenir le Groupon que nous connaissons.
Face cachée
Mais la face cachée de cette success-story se situe au niveau des entreprises locales sollicitées.
Si certaines ont pu profiter de cette aubaine, en bénéficiant d’une visibilité accrue et d’une nouvelle clientèle, d’autres ont été dévastées par ce rouleau compresseur.
En effet, Groupon représente une telle puissance de feu que les entreprises locales ont dû employer de nouvelles personnes, voire s’équiper pour répondre aux besoins et répondre à cette croissance exceptionnelle : mais une fois l’effet passé, les coûts, eux, ont persisté et la demande n’était plus au rendez-vous…
Et cela, sans compter le fait que Groupon prélève 50 à 80 % de commission sur chaque transaction effectuée sur sa plateforme.
Prenons un exemple (vécu!) :
Détentrice d’un des précieux tickets – à moindre coût – pour un salon de massage thérapeutique de ma région, j’ai pris rendez-vous et discuté avec l’une des deux gérantes.
Cette dernière, qui venait de lancer son commerce, m’a avoué qu’elle avait du mal à joindre les deux bouts.
Imaginez, sur une prestation traditionnelle de 60 €, Groupon la vend 20 € sur sa plateforme. En ôtant la commission – en l’occurrence, de 80 %, ici – la jeune femme ne touchait que 8 € pour une heure de soins prodigués. Compte-tenu des charges, qui peut se permettre un tel tarif ?!
Aujourd’hui, je vous invite à réfléchir sur le réel effet Groupon : en tant qu’entrepreneurs, accepteriez-vous de soutenir de telles sociétés, prônant l’opportunisme au détriment de l’entraide ? Personnellement, depuis mon expérience dans le salon de massage précité, je n’y suis pas retournée car, au-delà du coût relativement important, je n’ai pas envie de cautionner un système qui s’enrichit sur le dos des entrepreneurs, au lieu de les soutenir.
Et bien évidemment, je n’ai pas acheté de nouveaux coupons Groupon. « Il ne faut pas déshabiller Pierre pour habiller Paul ! »… et s’en glorifier.
Patricia Imbert (LaPatWeb)
L’avis de Rémy
Merci Patricia pour cet article intéressant. J’ai moi-même toujours eu du mal avec Groupon. Pour moi, ce sont de véritables vampires qui sucent littéralement le sang des commerçants (et donnent de mauvaises habitudes aux consommateurs).
En plus de ça, j’ai toujours pensé que le discount était une mauvaise idée. Se battre sur les prix, c’est suicidaire ! Pensez à vos marges, et faites plutôt en sorte de vous démarquer par vos services, vos trucs « en plus », qui feront que le client ne compare pas le prix mais la qualité et la prestation !
Bonjour,
Un jour Groupon est venu me voir pour une de mes activités, une superbe jeune dame habillée court … mais très vite j’ai compris que vu la marge qu’elle demandait, j’allais surtout me retrouver à genoux plusieurs années pour rattraper le coût (ou le coup).
J’ai eu la force de laisser tomber …
Je pense que groupon peut être bon pour certains commerces à condition de faire le boulot correctement, le cas d’un restaurant par exemple, cela amène de nouveaux clients mais il faut absolument prendre les coordonnées de ces nouveaux clients infidèles afin de les attirer régulièrement après l’épisode groupon.
Groupon n’est pas pour tout le monde…
Amicalement
Patrick
Bonjour Patrick,
exact ! Ca peut être intéressant pour une ouverture et se faire connaitre au tout début (et encore!)
Le gros souci reste l’image que l’on veut donner.
Etre un discounter, c’est bien quand on s’appelle Cdiscount ou LIdl, mais voulez-vous de ça pour votre entreprise ?
C’est la question à se poser !
Bonjour Remy,
Avec groupon, c’est ponctuel, je ne crois pas qu’on donne une image de discounter pour une opération unique de séduction, si on preste des services, c’est plus gérable que si on vend des produits physiques.
C’est certain que pour son entreprise, se battre sur les prix est une mauvaise idée.
Amicalement
Patrick
Le low cost ou discount est catastrophique pour l’économie et fabrique de vrais drames humains. Un sujet récent sur Arte est venu apporter des preuves, pour ceux qui en douteraient encore. Derrière le succès des Aldi Lidl et consorts, il y a des conditions de travail de plus en plus dures et beaucoup de souffrance au travail. Si nous n’y prenons garde disait un économiste local sur France 3, nous devrons habiter une maison Auchan,
rouler dans une voiture Auchan, etc….
L’un des professeurs d’économie Fernand Guyot qui était le conseiller de Raymond Barre disait : » quand on achète, on vote pour des produits « . Nous avons donc un pouvoir, même s’il peut être faible pour certains; on peut toujours agir en boycottant certains produits, certains vendeurs.
En continuant à acheter à de tels crevards incapables de la moindre conscience, on cautionne ce système. Idem pour le commerce équitable, qui permet aux petits producteurs de vivre de leurs productions.
Souvenez-vous de Gandhi. Changer, transformer les choses cela commence par soi.
Bonsoir Allen,
merci pour votre commentaire !
Je suis absolument d’accord, les consommateurs, nous, avons un pouvoir !
Une exemple parmi tant d’autres :
Si l’on ne veut plus d’oeufs de poules élevées en cage, il suffit d’arrêter d’en acheter.
On a le pouvoir, notre portefeuille peut aider les industriels à choisir…
Je me disais bien que Groupon était gagnant, malgré ses nombreux bons à bas prix, mais à ce point là, c’est honteux ! Prendre jusqu’à 80% de commission aux petits entrepreneurs c’est inimaginable.
Je me suis inscrite l’année dernière à Groupon, et je reçois des mails d’eux tous les jours. Malgré leurs propositions alléchantes, je ne suis jamais passée à l’action, me posant trop de questions sur les techniques employées au vu des énormes réductions proposées par le groupe. Et bien j’ai ma réponse ici. Je vais de ce pas me désabonner et boycotter Groupon! Merci de nous ouvrir les yeux.
Bonjour Maelys,
oui, leur façon de faire est assez limite (bien que légale)
Voilà une des faces sombres de la nouvelle économie. Tout va très (trop) vite. Comme dans de nombreux modèles, l’idée de départ cartonne, elle est séduisante pour toutes les cibles (élargir une base de clientèle, profiter de la viralité du concept, avoir des prix plus qu’intéressants), il y a la technologie adéquate, la force de vente fait bien son boulot. De quoi plaire, évidemment, aux commerçants qui j’imagine, se sont empressés d’adhérer, voyant les bénéfices à court terme sans envisager les éventuelles conséquences négatives à moyen/long terme… Cinq minutes pour réfléchir, une décision à prendre. Le train ne passe pas deux fois, etc., sauf que…
Après, karma ou non, c’est pas la fête chez Groupon : http://www.midilibre.fr/2013/03/01/groupon-le-roi-des-bons-plans-va-de-mal-en-pis-et-debarque-son-patron,652659.php
Bonjour Arnaud,
je suis d’accord. Beaucoup de commerçants ont besoin d’une meilleure visibilité et n’hésitent pas donc à tester ce genre de service.
Mais quand ça parait trop beau, méfiance…
Bonjour à tous,
le
Ce sujet est très intéressant et je suis tout à fait d’accord avec vous tous.
Ce même système est utilisé par les centrales de réservation comme Booking.com, Venere et autres mastodontes de l’hôtellerie. Les petits hôteliers indépendants sont rincés par toutes ces commissions et le vivent très mal.
On leur promet plus de visibilité contre plus de commissions, c’est aberrant !!! Entre nous, plus de visibilité, ne signifie pas forcément plus de vente !
Il est vrai que cela serait justifié si tous ces clients potentiels étaient transformés en ventes réelles mais malheureusement, ce n’est pas le cas !
Alors, qu’en pensez-vous ?
À bientôt,
Miguel
Bonjour Miguel,
Dans le cas de Booking, c’est beaucoup moins grave, même si le déséquilibre est là bien entendu.
On demande pas aux hôtels de faire -50% mimi (arrêtez moi si je me trompe).
Ils prennent entre 15 et 20% il me semble, c’est beaucoup, mais bien en dessous de Groupon.
Vous avez subit ça ?
Rémy
Bonjour Remy,
Entièrement d’accord, les pourcentages sont correctes mais le vrai problème, est que ces centrales imposent bien d’autres conditions et sans concertations !!! Par exemple, changer les conditions contractuelles en baissant les tarifs quand elles le souhaitent, et c’est bien là le souci !
Je ne suis pas hôteliers mais je m’aperçois, que ce type de comportement pose un certain nombre de questions. Le système à la « Groupon », les avantages beaucoup plus que les établissements.
Le débat reste ouvert…
Amicalement,
Miguel
Le commerçant est libre de signé ou non avec Groupon, je ne vois pas où est le problème. C’est comme le fait d’être sur Booking ou Agoda, il prenne leur marge (18%) mais ils font vivre de nombreux petits hôtels 😉
Bonjour Simon,
non, ce n’est pas pareil, car Groupn exige en plus au mins 50% de réduction sur les prix ! Enfin, il arrive qu’ils vendent plus de deals que prévu, tout aux frais du commerçants bien entendu !