Le neuromarketing est une composante du marketing qui utilise les neurosciences dans le but de mieux comprendre, détecter et mesurer les comportements du consommateur. Si les résultats des différentes enquêtes et études marketings classiques sont soumises à différents biais, la science permet d’obtenir des résultats plus objectifs notamment au travers des techniques de neuro-imagerie (Rémy en a parlé dans plusieurs MSB show).
Si le marketing est un art , le neuromarketing est une science, et cette discipline encore relativement récente et largement sous-exploitée permet aux marques qui l’utilisent de se différencier et de répondre de manière plus précise aux besoins des consommateurs.
1- Les ressorts cognitifs du marketing :
Que ce soit à la télévision, à la radio, sur les affiches, dans les journaux ou sur internet, nous recevons de manière continue tout au long de la journée une quantité d’informations émanant des professionnels du marketing visant à nous faire acheter des produits ou services. Notre cerveau traite ce flux , la plupart du temps de manière inconsciente, et livre un résultat : la décision d’acheter ou non.
Sommes-nous vraiment libre ?
Bien que nous ayons l’impression d’être totalement libre de notre décision d’achat, les études en science du comportement montrent que nous sommes la plupart du temps largement influencés, et notre jugement est souvent altéré par des biais perceptifs.
Ainsi, nous savons que ce qui est rare est cher : lorsque la demande dépasse l’offre, le vendeur vend aux plus offrants ce qui fait augmenter les prix. Cette rareté entraîne également une plus forte désirabilité : comme peu de personnes pourront le posséder, cela augmente son attraction.
Mais alors, pourquoi ne pas créer artificiellement cette rareté pour renforcer la valeur du produit et augmenter également son prix ? C’est ce qui s’appelle l’illusion de rareté .
Une expérience a ainsi été menée par des scientifiques de l’université de Virginie : on proposait à deux groupes d’individus de goûter des biscuits au chocolat. Le premier groupe recevait une boîte de 10 biscuits tandis que le deuxième recevait une boîte de 2 biscuits. Dans les deux groupes, les biscuits étaient identiques.
Puis les personnes ayant reçu une boîte de 10 biscuits recevaient une boîte de 2 biscuits (effet de raréfaction) et inversement (effet d’abondance).
Les résultats montrent que lorsque le produit est devenu rare, il était jugé plus tentant et de meilleure qualité que lorsqu’il était devenu abondant, et le prix estimé du biscuit était 2 fois plus élevé lorsqu’il était rare.
La rareté nous manipule ?
La rareté affecte donc notre jugement, ce biais est l’un des plus couramment utilisé : lorsque l’on indique qu’il ne reste plus que quelques produits en stock ou lorsque le produit n’est disponible que pendant une période donnée ( on parle alors de rareté temporelle).
Une autre expérience a permis de mettre en évidence le phénomène de rareté temporelle. Des psychologues ont indiqué à des centaines de clients d’un fast-food qu’ils bénéficiaient d’une promotion sur un dessert en plus de leur plat.
A la moitié d’entre eux, on indiquait que la promotion était valable seulement le jour même alors que dans le deuxième cas elle était valable toute l’année. Les ventes ont été quatre fois supérieures dans le premier cas.
La pression temporelle peut aussi être utilisée pour indiquer au consommateur qu’il est plus proche de l’objectif à atteindre : on a proposé à des clients d’une station de lavage une carte de fidélité donnant droit à un lavage gratuit.
Dans le premier cas, la carte contenait 8 cases et le consommateur devaient remplir toutes les cases pour bénéficier du lavage gratuit, tandis que dans le deuxième cas, la carte contenait 10 cases, mais les 2 premières étaient déjà cochées.
Dans les 2 cas, le client devait donc effectuer le même nombre de lavages avant de bénéficier de l’offre gratuite. Les scientifiques ont ensuite mesuré le nombre de jour entre chaque lavage et les résultats ont montré que les clients bénéficiant de la carte avec les 2 cases pré-cochées revenaient plus souvent laver leur voiture.
En situation d’achat, nous cherchons à comparer le prix d’un produit avec des produits similaires pour savoir si le prix est bon, trop élevé ou si nous réalisons une bonne affaire. Cette situation s’appelle l’effet de contraste.
Cet effet a été étudié dans la situation suivante : les vendeurs d’une chaîne de magasins de billards avaient pour habitude de d’abord présenter aux clients les billards les moins chers avant de leur proposer des modèles plus haut de gamme.
Autre exemple :
Lorsqu’un nouveau responsable de la promotion est arrivé dans l’entreprise, il décida de tester la procédure inverse, à savoir de d’abord présenter les modèles les plus chers avant de proposer les modèles milieu de gamme puis l’entrée de gamme.
Les résultats ont été probants : alors que l’ancienne méthode ( du moins cher au plus cher) permettait de vendre des modèles d’une valeur moyenne de 550$, la nouvelle méthode a fait monter le prix moyen de vente à 1000$.
Ainsi le premier prix proposé est retenu par le cerveau comme base, et tous les autres prix vont être comparés inconsciemment à ce prix initial, c’est ce que l’on appelle l’ancrage.
Le biais d’ancrage a été étudié dans cette autre étude, où des psychologues ont demandé à 500 étudiants d’estimer l’année de la défaire d’Attila. Les étudiants reçoivent au préalable un numéro au hasard , compris entre 400 et 1399.
Les étudiants ayant tirés un nombre compris entre 400 et 599 estimaient en moyenne une date située en 629 tandis que ceux ayant tirés un nombre compris entre 1200 et 1399 ont proposé une date moyenne de 988.
Deux psychologues américains ont également mené une expérimentation dans un chalet de montagne pour randonneurs. A l’arrivée des randonneurs, on leur proposait un fromage artisanal d’un poids de 1 kg pour le prix de 8 euros.
L’ensemble des randonneurs refusaient à l’idée de devoir transporter un tel poids en plus. Puis on proposait le même fromage, mais seulement 500 grammes au prix de 4€. L’effet de contraste a convaincu 24% des randonneurs, alors que le fromage de 500 grammes présenté sans effet de contraste ne convainquait que 9% des randonneurs.
Nous constatons tous la propension des marketeurs et vendeurs à proposer des prix en « 9 » comme 39€ ou 8,99€. Si l’efficacité de cette pratique a largement été démontrée une autre étude renforce de manière surprenante ce biais.
Ainsi des scientifiques proposaient un catalogue avec 4 modèles de robes au prix initial de 39$, 49$, 59$ et 79$. Puis ils envoyaient à deux autres groupes d’acheteuses le même catalogue mais avec des prix supérieurs ou inférieurs de 5$ ( par exemple 34$ ou 44$ au lieu de 39$ etc.).
Les ventes sur le catalogue comprenant les prix en 9 ont été 40% supérieures aux ventes sur les deux autres catalogues, bien que l’un des catalogues comprenait des modèles 5$ moins chers.
2-Dans la tête du consommateur:
L’une des plus grandes promesses du neuromarketing est d’observer le cerveau des consommateurs pour déterminer leur attirance pour un produit et leur intention d’achat.
Les premières observations en neuro-imagerie ont ainsi permis de déterminer que nous évaluons un soda non seulement en fonction de son goût mais également de la marque et des expériences gustatives passées.
Avant l’apparition du neuromarketing, les chercheurs avaient déjà établis que le consommateur n’adoptait pas un comportement rationnel pendant la décision d’achat mais qu’il était également guidé par des mécanismes émotionnels inconscients.
Le neuromarketing , à travers l’imagerie cérébrale, apparait alors comme le meilleur moyen de détecter ces mécanismes inconscients.
Plutôt que de détecter les réactions du consommateur au travers de focus-groups , il devient alors beaucoup plus puissant de détecter les réactions inconscientes de notre cerveau pour déterminer l’attrait ou le rejet d’un produit, et ce même sans formulation verbale de ce désir.
Quelques expériences…
Plusieurs faits vont justifier cette approche. Tout d’abord nos réactions face à un produit ou une affiche sont très rapides, moins de 300 millisecondes, des expériences menées par un scientifique américain ont également montrées que la décision d’appuyer sur un bouton était prise 200 millisecondes avant que le sujet n’en prenne conscience.
Ensuite les processus de décision reposent principalement sur des ressentis émotionnels plutôt que sur des raisonnement rationnels. Il devient alors difficile de déterminer des réactions avec seulement une interview ou un focus group.
Les imageries cérébrales ont ainsi permis de déterminer quelles zones du cerveau étaient activées en fonction du ressenti inconscient du sujet. L’activation de ces différentes zones permettent de détecter six mécanismes en réactions à la présentation d’un produit ou d’une publicité : l’identification du produit, l’identification à la marque, le rejet, la peur, le désir/plaisir et le partage des émotions.
Les sociétés peuvent ainsi adapter leur stratégie en fonction des réactions qu’elles souhaitent susciter chez le consommateur : l’activation du désir est une étape indispensable dans l’acte d’achat, mais l’identification à la marque est extrêmement puissant et permet de modifier la qualité perçue du produit.
Etude du comportement
L’eye-tracking est utilisé depuis plusieurs décennies, notamment pour étudier le comportement en supermarché. Cependant cet outil est limité : que conclure si le consommateur passe son regard sur une bouteille de soda sans s’y attarder? A t il bien identifié le produit ? A t il retenu son attention ? Le fait qu’il ne s’attarde pas sur le produit signifie t il qu’il n’a pas envie de l’acheter ?
La neuro-imagerie va beaucoup plus loin en permettant d’identifier les zones du cerveau activées ce qui permet de déterminer quelle est la réaction inconsciente du sujet par rapport au produit entraperçue, sachant que quelques millisecondes suffisent pour activer des zones cérébrales pouvant déclencher l’achat.
Ainsi le simple fait d’identifier un produit ou une marque dans le rayon peut déclencher l’achat, et ce même si le regard du consommateur ne s’est pas attardé sur ce produit.
Du business…
Actuellement le neuro-marketing représente 3% du chiffre d’affaires des sociétés d’études de marché ( ce chiffre était nul il y a 5 ans). Il prend généralement deux formes : l’utilisation de l’IRM pour les études de marché et la mesure des états émotionnels au travers d’électrodes.
La première forme est utilisée par seulement 50 sociétés à travers le monde tandis que la deuxiéme est utilisée par 300 sociétés. Cette discipline n’en est donc encore qu’à ses balbutiements et est encore largement sous-exploitée.
Le neuromarketing se révèle particulièrement efficace dans le domaine de la parfumerie. En effet, dans ce secteur, malgré les multiples tests et analyses quantitatives onéreuses avant le lancement du produit, la proportion de rejets par le public est de 90%.
La difficulté principale étant que la marque et l’odeur interagissent de manière complexe. L’odeur seule compte peu : en effet des tests menés auprès de femmes devant respirer en aveugle leur propre parfum ont révélé qu’elles ne l’appréciaient pas. Mais l’influence de la marque couplé à leur perception de l’odeur les fait finalement choisir ce parfum.
Les observations en neuro-imagerie ont cependant permis de déterminer des zones d’activation du cerveau permettant de prédire le succès du couple odeur-marque.
A la semaine prochaine !
Nous avons vu des exemples concrets d’application du neuromarketing et comment il pouvait expliquer le comportement du consommateur, dans la deuxiéme partie de cet article nous irons encore plus loin et vous verrez notamment comment les publicités agissent de manière inconsciente sur notre comportement d’achat et ce même si nous pensons ne pas avoir vu cette publicité comme c’est le cas avec les bannières publicitaires sur internet.
Nous verrons également comment les sons et la musique jouent un rôle fondamental dans notre comportement d’achat, rendez-vous la semaine prochaine !