Les entrepreneurs « pigeons » ont-ils réellement abandonné leur combat ? Pas vraiment.
La loi de finances 2013 ne leur convient pas, et ils le font savoir et continuent de se défendre en coulisses.
Je suis heureux d’accueillir aujourd’hui l’une des figures de proue du mouvement : Jean-David Chamboredon.
Il nous explique ce qu’il pense sans concessions et nous donne les quelques mesures simples qui pourraient relancer la France et surtout ses entrepreneurs !
Bonjour Jean-David, peux tu te présenter en quelques mots à nos lecteurs ?
Je suis le Président de la société d’investissement ISAI Gestion, fondée et financée par 70 entrepreneurs du web.
Nous avons 2 fonds : un fonds de capital-risque et un fonds de capital développement. Nous n’investissons que dans l’internet et nous « backons » des fondateurs Français… J’ai 49 ans et je suis capital-investisseur depuis 13 ans.
J’ai eu la chance d’accompagner de très belles histoires comme Priceminister.com ou Seloger.com. Aujourd’hui je suis administrateur de Blablacar.com, Instantluxe.com, Boticca.com, Commerceguys.com, StickyAds.tv et Shopmium.com.
J’ai été l’instigateur involontaire puis je suis devenu l’un des porte-paroles du mouvement des #geonpi suite au projet de loi de finances 2013 présenté le 28 septembre dernier. Le changement très violent proposé dans cette loi concerne la taxation des plus-values de cession de valeurs mobilières.
Ce qui a été voté en Décembre dernier est extrêmement néfaste à l’investissement dans des start-ups et PME de croissance et crée un dés-alignement particulièrement dangereux entre les actionnaires d’une même société.
Je continue à combattre « en coulisses » cette loi de finances…
Avec le recul, comment vois-tu l’action des « pigeons » ? (Des milliers d’entrepreneurs s’étaient rebellés contre le projet de loi de finances 2013 du gouvernement)
La spontanéité du mouvement des #geonpi et sa rapidité (plus de 70.000 en moins d’un mois) montrent que les entrepreneurs partagent des valeurs et des préoccupations communes.
Ceci n’a rien à voir avec les orientations politiques des uns ou des autres.
Il s’agit de la volonté de créer, de construire, dans la mesure du possible, d’être maître de son destin… Il s’agit aussi d’évoluer dans un environnement dans lequel on peut se concentrer sur le « business »… Il est tellement difficile de créer et développer avec succès une entreprise, que les multiples entraves issues des pouvoir publics finissent par exaspérer ou décourager.
Le PLF 2013 (la loi de finances) a été une sorte de goutte d’eau qui fait déborder le vase… Le sentiment d’agir malgré ces entraves datent de bien avant l’alternance politique de 2012…
Le vétéran que je suis a un peu plus de recul et plus de points de comparaison que le jeune Pigeon qui lance sa première entreprise mais, en réalité, #geonpi c’est une génération entière qui a compris la mondialisation, qui parle Anglais & web couramment, qui a envie de faire par elle-même, qui n’achète pas le modèle issu des 30 glorieuses… Ne pas répondre aux Pigeons c’est comme décider de sacrifier cette génération.
C’est la raison principale de mon engagement. Un pays n’a pas le droit d’être conservateur si cela doit boucher l’avenir de sa jeune génération.
Quelles sont pour toi les 3 actions concrètes qui permettrait de relancer la machine entrepreneuriale française ?
C’est finalement assez simple:
- 1) Introduire et rendre obligatoire un module « entrepreneuriat » enseigné par des praticiens au lycée ou, en tout cas, dans toutes les filières de l’enseignement supérieur. Former également les fonctionnaires et les salariés des grands groupes sur le sujet.
- 2) Revenir à ou aménager un environnement fiscal favorisant le financement en fonds propres des entreprises et notamment des start-ups et PME de croissance.
- 3) Accepter une fois pour toutes les dynamiques Schumpetérienne et Darwinienne de l’économie. Faire comprendre et admettre que l’aptitude au changement et la capacité d’innovation sont les seules stratégies viables…
Que penses-tu de la proposition de Fleur Pellerin de faire de Paris la capitale du numérique ?
Paris est sans doute déjà (et encore) la capitale du numérique en Europe, mais Londres et Berlin font feu de tout bois pour faire croire qu’ils sont les leaders. Il est donc très bien, dans cette compétition, que la Ministre organise une contre-attaque en terme de communication et de politique de développement économique.
Le problème c’est que, vu de Londres, San Francisco ou d’ailleurs, la France émet des messages totalement contradictoires. Pourquoi un acteur étranger viendrait-il à Paris pour financer des startups Françaises ou établir le siège social européen de ses activités quand il comprend que nous sommes capables à tout moment de changer les règles du jeu et de promouvoir brutalement des raisonnements totalement anti-économiques…
Pourquoi les français semblent si peu attachés à leurs entrepreneurs ?
Le mouvement #geonpi a montré qu’en réalité les Français aiment bien les « petits et moyens entrepreneurs ».
Il semble, par contre, qu’ils souhaitent qu’ils restent petits ou moyens… Nous n’avons pas culturellement de respect pour la réussite économique. Elle est suspecte… Nous en avons pourtant vraiment besoin de beaucoup plus pour entrer vraiment de plain-pied dans le 21ème siècle…
La France n’a généré qu’un seul nouveau milliardaire depuis 15 ans (Xavier Niel), c’est très peu et très symptomatique de notre recul sur la scène internationale…
Quels conseils pourrais-tu donner à des entrepreneurs qui se lancent dans l’aventure startup ?
Ne pas être seul mais au contraire monter une équipe complémentaire de co-fondateurs.
Ne pas « fumer la moquette » et adopter un business model permettant de faire montre d’une ambition progressive.
Ne pas avoir peur de l’échec et « délivrer » malgré les contraintes qui ne peuvent en aucun cas constituer un alibi…
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Merci au chef des pigeons pour ces réponses pleines de bon sens !
La France a de nombreux atouts, il serait dommage de les gâcher avec de mauvaises mesures. Comme je l’ai dit dans un précédent article, je pense qu’il faut arrêter de se morfondre et faire avancer les choses.
Je trouve Jean-david bien plus constructif que beaucoup d’autres qui se contentent de pleurer et de crier partout que la France « est une garce » (pour reprendre un slogan célèbre).
Il serait temps de prendre les choses en main et d’aller au mastic !
Sur le point 1, on se bat depuis quelques années avec la BD http://www.lucyetvalentin.com, déjà 200.000 élèves sensibilisés, mais c’est encore trop peu !!
Oui, beau projet et belle exécution Guilhem, n’hésite pas à RT l’article please ^^
Interview très intéressante. Je partage entièrement vos points de vue, je pense également qu’il est important d’avancer du bon pied, arrêter avec des lois de finance contre productives et partir sur de bonnes bases, je trouve que les 3 propositions de Jean-David sont de bons points de départ.
Merci maximilien pour le commentaire.
Oui, partons du bon pied et mettons en place les bonnes mesures pour soutenir tout ça !